Mais pour qu’il y ait rencontre, il faut être deux : l’occasion tient à la fois au moment de l’occurrence et aux bonnes dispositions d’une conscience qui oscille entre la verve et la sécheresse, entre les moments inspirés et les moments arides. Plus bref le passage de ce météore dans notre ciel, plus acrobatique l’effort de la conscience qui l’intercepte en plein vol. A quel moment coïncideront-elles, l’occurrence d’une seconde et l’agile conscience, la conscience aiguë ? Il faut se tenir prêt, faire le guet et bondir comme fait le chasseur qui capture une proie agile. Proie ou cadeau, l’instant occasionnel est une chance infiniment précieuse qu’il ne faut pas laisser échapper. L’occurrence peut durer beaucoup moins qu’une matinée, moins qu’une heure, moins qu’une fraction de seconde ; il arrive que l’occurrence tienne dans un battement de paupières.
L’occasion n’est pas seulement une faveur imprévue dont il faut savoir profiter et qui veut des âmes parfaitement disponibles pour la grâce occasionnelle de l’impromptu : elle est aussi quelque chose que notre liberté recherche et au besoin suscite. Si l’occasion est une grâce, la grâce suppose, pour être reçue, une conscience en état de grâce. Tout peut devenir occasion pour une conscience inquiète, capable de féconder le hasard. C’est l’occasion qui électrise le génie créateur – car l’occasion est l’électrochoc de l’inspiration ; mais c’est pour le génie créateur que la rencontre, au lieu d’être une occurrence muette, devient une occasion riche de sens. Et c’est justement cette causalité réciproque, ce rapport paradoxal de l’effet-cause à la cause-effet, cette contradiction de la causa-sui qui donne à l’improvisation la profondeur d’un processus créateur. L’ improvisation n’est pas seulement une opération hâtive, une manœuvre in extremis, bâclée et terminée à la diable ; elle désigne encore le mystère de la parturition mentale, elle est le commencement du commencement, la première démarche de l’invention créatrice à partir du rien de la feuille blanche, à partir de l’amorphe et de la parole balbutiante.
Vladimir Jankélévitch (1903 – 1985) was a french philosopher and musicologist.
Biography
Jankélévitch was the son of Russian Jewish parents, who had emigrated to France. In 1922 he started studying philosophy at the École normale supérieure in Paris, under Professor Bergson. From 1927 to 1932 he taught at the Institut Français in Prague, where he wrote his doctorate on Schelling. He returned to France in 1933, where he taught at the Lycée du Parc in Lyon and at many universities, including Toulouseand Lille. In 1941 he joined the French Resistance. After the war, in 1951, he was appointed to the chair of Moral Philosophy at the Sorbonne, where he taught until 1978.
The extreme subtlety of his thought is apparent throughout his works where the very slightest gradations are assigned great importance. Jankélévitch, who drew on Platonist, Neoplatonist and Greek Patristic sources in establishing his essentially agnostic thought, was resolute in his opposition to German philosophical influence.
Bibliography
- 1931: Henri Bergson (tr. into Italian, Brescia, Morcelliana, 1991)
- 1933: L’Odyssée de la conscience dans la dernière philosophie de Schelling
- 1933: Valeur et signification de la mauvaise conscience
- 1936: La Mauvaise conscience (tr. into Italian, Bari, Dedalo, 2000)
- 1936: L’Ironie ou la bonne conscience (tr. into Italian, Genova, Il melangolo, 1988; tr. into Serbian, Novi Sad, 1989; tr. into German by Jürgen Brankel, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2012)
- 1938: L’Alternative
- 1938: Gabriel Fauré, ses mélodies, son esthétique
- 1939: Ravel (tr. into German by Willi Reich, Reinbek, Rowohlt, 1958; tr. into English by Margaret Crosland, NY-London, 1959; tr. into Italian by Laura Lovisetti Fua, Milano, Arnoldo Mondadori Editore, 1962)
- 1942: Du mensonge (tr. into Italian by Marco Motto, Milano, Raffaello Cortina, 2000; tr. into German “Das Verzeihen”, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2003)
- 1947: Le Mal (tr. into Italian by Fernanda Canepa, Genova, Marietti, 2003)
- 1949: Traité des vertus (tr. into Italian by Elina Klersy Imberciadori, Milano, Garzanti, 1987)
- 1950: Debussy et le mystère de I’instant
- 1954: Philosophie première introduction à une philosophie du Presque (tr. into German by Jürgen Brankel, Vienna, Turia + Kant, 2006)
- 1956: L’Austérité et la Vie morale
- 1957: Le Je-ne-sais quoi et le presque-rien
- 1960: Le Pur et l’impur
- 1961: La Musique et l’Ineffable, (tr. into Serbian by Jelena Jelić, Novi Sad, 1987; tr. into Italian by Enrica Lisciani-Petrini, Milano, Bompiani, 1998 ; tr. into English by Carolyn Abbate, 2003; tr. into Dutch by Ronald Commers, Gent Belgie, 2005)
- 1963: L’Aventure, l’Ennui, le Sérieux (tr. into Italian by Carlo Alberto Bonadies, Genova Marietti, 1991)
- 1966: La Mort (tr. into Bosnian by Almasa Defterdarević-Muradbegović, Sarajevo, 1997; tr. into German by Brigitta Restorff, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2005; tr. into Italian Torino, Einaudi, 2009; tr. into Croatian, Zagreb, AGM, 2011) – ISBN 3-518-58446-4
- 1967: Le pardon, (tr. into Italian by Liana Aurigemma, Milano, IPL, 1969; tr. into English as Forgiveness by Andrew Kelley, 2005)
- 1968: Le Sérieux de l’intention
- 1970: Les Vertus et l’Amour’
- 1971: L ‘Imprescriptible, (a section (“Pardonner?”) of which is translated into English by Ann Hobart as “Should We Pardon Them?,” Critical Inquiry, 22, Spring 1996; tr. into Italian by Daniel Vogelmann, “Perdonare?”, Firenze, Giuntina, 1987; tr. into German by, Claudia Brede-Konersmann, “Das Verzeihen”, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2003)
- 1972: L’Innocence et la méchanceté
- 1974: L’Irréversible et la nostalgie
- 1978: Quelque part dans l’inachevé, en collaboration avec Béatrice Berlowitz (tr. into German by Jürgen Brankel, Vienna, Turia + Kant, 2008)
- 1980: Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien (tr. into Italian by Carlo Alberto Bonadies, Genova, Marietti, 1987; tr. into German by Jürgen Brankel, Vienna, Turia + Kant, 2009)
- 1981: Le Paradoxe de la morale’ (tr. into Italian by Ruggero Guarini, Firenze, Hopefulmonster, 1986; tr. into Croatian by Daniel Bućan, Zagreb, AGM, 2004)
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